Le numérique éducatif en Corée du Sud
À l’image de la France, d’autres pays ont massivement investi dans le numérique éducatif depuis la crise sanitaire. idruide s’intéresse aujourd’hui au cas de la Corée du Sud, à la pointe de la classe 2.0.
En 2020, en pleine crise sanitaire, le gouvernement sud-coréen a lancé un « New Deal digital », avec une enveloppe budgétaire de 43,2 Mds d’euros. Le but de cet investissement massif est de faire pleinement passer le pays du matin calme dans l’ère du vivre ensemble connecté. Près de 870 M€ sont destinés spécifiquement à la transition numérique du monde éducatif.
Le premier objectif visait à adapter les infrastructures scolaires et universitaires, via la mise en réseau des établissements scolaires. Ainsi, ce sont près de 380.000 salles de classe qui seront connectées au wifi d’ici la fin 2022. Niveau matériel, le budget sert à remplacer près de 255.000 ordinateurs, à équiper 1.200 écoles en tablettes, et à créer une plateforme d’apprentissage.
Selon l’Unesco, les écoles du pays ont été fermées 76 semaines, contre 12 en France. Cela a permis de réaliser ces travaux plus rapidement que prévu. De plus, les bases sud-coréennes étaient déjà très solides, puisqu’en 2017, 99,2 % des foyers disposaient d’une connexion à Internet et que la couverture 4G et 5G du territoire est l’une des plus larges au monde.
La transition numérique du système éducatif sud-coréen a connu quelques accrocs dans les premiers temps. Les directives émanant du ministère de l’Éducation devaient être appliquées à la lettre et tous les établissements observaient ce que faisaient les principales universités du pays avant de le recopier à leur échelle. Comme en France, il a parfois fallu faire preuve d’improvisation face à ces nouveautés.
Toutefois, la Corée du Sud est réputée pour s’adapter rapidement à la nouveauté et aux nouvelles technologies. Cette transition à grande échelle a aussi été favorisée par la volonté affichée de réduire au maximum la fracture numérique, afin d’emporter tout le monde dans le même élan. La mairie de Séoul a par exemple décidé de rendre accessible à tous les étudiants du pays sa plateforme d’éducation en ligne. Le secteur privé a été incité à aider les enfants défavorisés, notamment pour qu’ils puissent louer gratuitement des outils d’accès à Internet.
Cela reste compliqué à l’échelle d’un pays entier, et de nombreuses personnes rencontrent toujours des difficultés à accéder à l’enseignement numérique, que cela soit pour l’accès au matériel ou encore pour la question de handicap.
Une étude du chercheur Cornelius Kalenzi souligne aussi que tout le monde n’est pas forcément à l’aise avec cette numérisation à grande échelle. « Les premières enquêtes montraient que 50 % des élèves étaient favorables au numérique, notamment pour des raisons pratiques », explique-t-il. Cette part augmente, mais élèves comme enseignants restent partagés sur cette question.
Le ministère de l’Éducation n’a pas appliqué de manière uniforme le passage au tout numérique. Certains établissements pouvaient offrir une éducation en ligne, d’autres rencontraient plus de difficultés, voire ne pouvaient même pas se le permettre. « Certains collèges ont donné tous leurs cours en ligne, d’autres ont continué avec une part de présentiel en effectuant des roulements », souligne Cornelius Kalenzi.
Une méthode hybride reprise par les universités depuis l’allègement des restrictions sanitaires et destinée à se poursuivre sur le long terme.
Dans cette transformation digitale du milieu éducatif, la question du métavers se pose déjà. « Les autorités sud-coréennes sont convaincues que le métavers peut changer la manière d’enseigner », juge Back Dan-bee, enseignante au KAIST (institut des sciences). « Les élèves coréens sont excellents en mémorisation ou en calcul, mais beaucoup moins en présentation ou en débats, notamment du fait d’une certaine timidité, et le métavers pourrait les aider à être plus proactifs. »
Cette technologie déjà présente dans le pays, à l’image de la capitale, Séoul, qui a sa propre plateforme de réalité virtuelle, reste encore lointaine dans l’éducation.
L’un des bémols soulignés par les observateurs et les chercheurs réside dans le fait que tout ce processus de digitalisation se fait sans réelle réflexion. Ainsi, la Corée du Sud connaît peu de débats éthiques sur cette question, de questionnements autour de cette modernité. Le passage vers un enseignement en ligne n’a par exemple pas été suivi de critiques sur les effets néfastes d’une exposition trop longue aux écrans.
Or les élèves coréens passent près de 50 heures par semaine à l’école, loin devant les autres pays de l’OCDE. Dans le cas d’une hybridation ou de cours entièrement numériques, cela représente un temps d’écran très important.
Si les effets de la transition numérique ne sont pas remis en cause, leurs bénéfices potentiels n’échappent pas aux élèves du supérieur. Une année à l’université coûte entre 8.000 et 15.000€, soit entre 25 et 48 % du salaire moyen. Certains étudiants considèrent désormais qu’avec le numérique et la transformation profonde de la façon d’apprendre, le prix ne devrait plus être le même. Reste à voir si le gouvernement souhaitera accompagner cette digitalisation avec une baisse du coût de l’enseignement.